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THÉORIE DE LA TERRE.

n’existoit point autrefois ; et elle est, comme on voit, confirmée par l’histoire naturelle, et par les observations qu’on a faites sur la nature des terres à la côte d’Afrique et à celle d’Espagne, où l’on trouve les mêmes lits de pierre, les mêmes couches de terre en deçà et au delà du détroit, à peu près comme dans de certaines vallées où les deux collines qui les surmontent se trouvent être composées des mêmes matières et au même niveau.

L’Océan, s’étant donc ouvert cette porte, a d’abord coulé par le détroit avec une rapidité beaucoup plus grande qu’il ne coule aujourd’hui, et il a inondé le continent qui joignoit l’Europe à l’Afrique ; les eaux ont couvert toutes les basses terres dont nous n’appercevons aujourd’hui que les éminences et les sommets dans l’Italie et dans les îles de Sicile, de Malte, de Corse, de Sardaigne, de Chypre, de Rhodes, et de l’Archipel.

Je n’ai pas compris la mer Noire dans cette irruption de l’Océan, parce qu’il paroît que la quantité d’eau qu’elle reçoit du Danube, du Niéper, du Don, et de plusieurs autres fleuves qui y entrent, est plus que suffisante pour la former, et que d’ailleurs elle[1] coule avec une très grande rapidité par le Bosphore dans la mer Méditerranée. On pourroit même présumer que la mer Noire et la mer Caspienne ne faisoient autrefois que deux grands lacs qui peut-être étoient joints par un détroit de communication, ou bien par un marais ou un petit lac qui réunissoit les eaux du Don et du Volga auprès de Tria, où ces deux fleuves sont fort voisins l’un de l’autre, et l’on peut croire que ces

  1. Voyez Trans. phil. abrig’d, vol. II, page 289.