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Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/370

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THÉORIE DE LA TERRE.

depuis la création du monde, ont toujours tiré successivement de cette couche la matière qui a composé leur corps, et ils ont rendu à leur mort cette matière empruntée : elle y reste, toujours prête à être reprise de nouveau, et à servir pour former d’autres corps de la même espèce, successivement sans jamais discontinuer ; car la matière qui compose un corps, est propre et naturellement disposée pour en former un autre de cette espèce[1]. Dans les pays inhabités, dans les lieux où on ne coupe pas les bois, où les animaux ne broutent pas les plantes, cette couche de terre végétale s’augmente assez considérablement avec le temps ; dans tous les bois, et même dans ceux qu’on coupe, il y a une couche de terreau de 6 ou 8 pouces d’épaisseur, qui n’a été formée que par les feuilles, les petites branches et les écorces qui se sont pourries. J’ai souvent observé sur un ancien grand chemin fait, dit-on, du temps des Romains, qui traverse la Bourgogne dans une longue étendue de terrain, qu’il s’est formé sur les pierres dont ce grand chemin est construit, une couche de terre noire de plus d’un pied d’épaisseur, qui nourrit actuellement des arbres d’une hauteur assez considérable ; et cette couche n’est composée que d’un terreau noir, formé par les feuilles, les écorces, et les bois pourris. Comme les végétaux tirent pour leur nourriture beaucoup plus de substance de l’air et de l’eau qu’ils n’en tirent de la terre, il arrive qu’en pourrissant ils rendent à la terre plus qu’ils n’en ont tiré. D’ailleurs une forêt détermine les eaux de la pluie en arrêtant les vapeurs : ainsi, dans un bois qu’on conserveroit bien long-

  1. Voyez Essai sur l’Histoire naturelle, etc., page 136.