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Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/43

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XXXVII
PAR CONDORCET.

science à laquelle il s’étoit dévoué, n’avoit été négligé. Ce fut l’unique objet de son ambition : sa considération, sa gloire, y étoient liées sans doute ; mais tant d’hommes séparent leurs intérêts de l’intérêt général, qu’il seroit injuste de montrer de la sévérité pour ceux qui savent les réunir. Ce qui prouve à quel point M. de Buffon étoit éloigné de toute ambition vulgaire, c’est qu’appelé à Fontainebleau par le feu roi, qui vouloit le consulter sur quelques points relatifs à la culture des forêts, et ce prince lui ayant proposé de se charger en chef de l’administration de toutes celles qui composent les domaines, ni l’importance de cette place, ni l’honneur si désiré d’avoir un travail particulier avec le roi, ne purent l’éblouir : il sentoit qu’en interrompant ses travaux, il alloit perdre une partie de sa gloire ; il sentoit en même temps la difficulté de faire le bien : surtout il voyoit d’avance la foule des courtisans et des administrateurs se réunir contre une supériorité si effrayante, et contre les conséquences d’un exemple si dangereux.

Placé dans un siècle où l’esprit humain s’agitant dans ses chaînes, les a relâchées toutes et en a brisé quelques unes, où toutes les opinions ont été examinées, toutes les erreurs combattues, tous les anciens usages soumis à la discussion, où tous les esprits ont pris vers la liberté un essor inattendu, M. de Buffon parut n’avoir aucune part à ce mouvement général. Ce silence peut paroître singulier dans un philosophe dont les ouvrages prouvent qu’il avoit considéré l’homme sous tous les rapports, et annoncent en même temps une manière de penser mâle et ferme, bien éloignée de ce penchant au doute, à l’incertitude, qui conduit à l’indifférence.