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XXXIX
PAR CONDORCET.

soin de n’offenser aucun parti, parce que la nature de ses ouvrages ne permettoit guère à la littérature ignorante d’atteindre à sa hauteur. Les savants avoient presque tous gardé le silence, sachant qu’il y a peu d’honneur et peu d’utilité pour les sciences à combattre un système qui devient nécessairement une vérité générale si les faits le confirment, ou tombe de lui-même s’ils le contrarient.

D’ailleurs, M. de Buffon employa le moyen le plus sûr d’empêcher les critiques de se multiplier ; il ne répondit pas à celles qui parurent contre ses premiers volumes. Ce n’est point qu’elles fussent toutes méprisables ; celles de M. Haller, de M. Bonnet, de M. l’abbé de Condillac, celles même que plusieurs savants avoient fournies à l’auteur des Lettres américaines, pouvoient mériter des réponses qui n’eussent pas toujours été faciles. Mais en répondant, il auroit intéressé l’amour-propre de ses adversaires à continuer leurs critiques, et perpétué une guerre où la victoire, qui ne pouvoit jamais être absolument complète, ne l’auroit pas dédommagé d’un temps qu’il étoit sûr d’employer plus utilement pour sa gloire.

Les souverains, les princes étrangers qui visitoient la France, s’empressoient de rendre hommage à M. de Buffon, et de le chercher au milieu de ces richesses de la nature rassemblées par ses soins. L’impératrice de Russie, dont le nom est lié à celui de nos plus célèbres philosophes, qui avoit proposé inutilement à M. d’Alembert de se charger de l’éducation de son fils, et appelé auprès d’elle M. Diderot, après avoir répandu sur lui des bienfaits dont la délicatesse avec laquelle ils étoient offerts augmentoit le prix ; qui avoit