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ART. XVIII. EFFET DES PLUIES.

pierreuses tirent la leur du dépôt des eaux de certaines fontaines : ainsi les couches de ces matières ne sont pas anciennes, et n’ont pas été formées, comme les autres, par le sédiment des eaux de la mer. Les couches de tourbes doivent être aussi regardées comme des couches nouvelles qui ont été produites par l’entassement successif des arbres et des autres végétaux à demi pourris, et qui ne se sont conservés que parce qu’ils se sont trouvés dans des terres bitumineuses, qui les ont empêchés de se corrompre en entier[1]. On

  1. On peut ajouter à ce que j’ai dit sur les tourbes, les faits suivants :

    Dans les châtellenies et subdélégations de Bergues-Saint-Winox, Furnes, et Bourbourg, on trouve de la tourbe à trois ou quatre pieds sous terre ; ordinairement ces lits de tourbe ont deux pieds d’épaisseur, et sont composés de bois pourris, d’arbres mêmes entiers, avec leurs branches et leurs feuilles dont on connoît l’espèce, et particulièrement des coudriers, qu’on reconnoît à leurs noisettes encore existantes, entremêlées de différentes espèces de roseaux faisant corps ensemble.

    D’où viennent ces lits de tourbes qui s’étendent depuis Bruges par tout le plat pays de la Flandre jusqu’à la rivière d’Aa, entre les dunes et les terres élevées des environs de Bergues, etc. ? Il faut que, dans les siècles reculés, lorsque la Flandre n’étoit qu’une vaste forêt, une inondation subite de la mer ait submergé tout le pays, et en se retirant ait déposé tous les arbres, bois, et roseaux qu’elle avoit déracinés et détruits dans cet espace de terrain, qui est le plus bas de la Flandre, et que cet événement soit arrivé vers le mois d’août ou septembre, puisqu’on trouve encore les feuilles aux arbres, ainsi que les noisettes aux coudriers. Cette inondation doit avoir été bien longtemps avant la conquête que fit Jules César de cette province, puisque les écrits des Romains, depuis cette époque, n’en ont pas fait mention.

    Quelquefois ou trouve des végétaux dans le sein de la terre, qui sont dans un état différent de celui de la tourbe ordinaire : par exemple, au mont Ganelon, près de Compiègne, on voit, d’un côté de la montagne, les carrières de belles pierres et les huîtres fossiles dont nous