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LE CURÉ LABELLE

qu’ils attendaient depuis des années et qui devait leur permettre de rester, eux et leurs enfants, sur la terre nouvelle qu’ils venaient d’arroser de leurs sueurs. Il leur parla dans son langage à lui, dans ce langage unique, plein d’images populaires, fait exprès pour stimuler, pour égayer et pour transporter ces rudes, vaillantes et naïves populations. Il leur recommanda bien fortement entre autres de « faire de la terre », rien que de la terre, et de négliger les petites industries qui nous conduisent « à mourir la poche sur le dos ». Il parla ainsi pendant près d’une heure, et, son allocution temporelle terminée, quand il vit qu’il avait touché juste et que tout son monde allait retourner dans ses foyers, heureux et plein d’un courage nouveau, il entama l’évangile du jour.

Ce fut un commentaire et un développement d’une douceur et en même temps d’une force et d’une élévation inexprimables. De temps à autre c’étaient des éclats que l’on eût dit comme des fragments de montagne s’écroulant, d’autrefois c’était comme un fleuve coulant à pleins bords, sans se soucier des obstacles, ou bien un chêne déployant ses larges branches en s’élançant de plus en plus dans les cieux.

Quel homme ! quel homme ! me disais-je ; et en