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LE CURÉ LABELLE

sourde à toutes les supplications, indifférente à toutes les résistances, avait fait de ce cher petit que j’avais adoré si éperdument, que j’avais si souvent serré sur mon cœur, ivre de tendresse paternelle, le couvant, le dévorant de mes yeux incapables de se rassasier de lui. Cet enfant, il me semblait que l’univers entier l’aimait autant que moi ! Pendant huit mois il avait été ma seule et unique pensée, le premier bonheur réel de ma vie. Son âme et son esprit commençaient à s’ouvrir à l’intelligence des choses, et mon cœur grossissait d’amour à mesure que je voyais son berceau tout doucement, tout doucement, devenir de plus en plus étroit pour lui. Et la mort aveugle, égarée, ne sachant pas seulement comment choisir ses victimes, était venue me le prendre un jour, violemment, sans me donner l’ombre d’une inquiétude ni le moindre prétexte pour m’armer contre un danger invisible… Où est-il, où est-il aujourd’hui, mon enfant bien-aimé ? Bien souvent je l’ai demandé au muet et inexorable mystère. Ah ! jamais, les petits anges qu’il est allé rejoindre sans doute ne l’ont couvert d’autant de baisers que, dans mes souvenirs, j’ai arrosé de larmes l’étroit espace où il repose maintenant pour toujours, pour toujours dérobé à mes regards !…