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CHRONIQUES

avec une vitesse surprenante et qui portaient une ceinture garnie de grelots, pour avertir au loin de leur approche.

Aujourd’hui, il n’y a plus que les fous qui fassent ce métier-là, et l’on croit avoir beaucoup progressé !

Les faiseurs de grève commencent à me mettre l’eau à la bouche. Ne voilà-t-il pas que les tailleurs de pierres, eux aussi, demandent une augmentation de salaire telle que leur journée de travail leur vaudrait cinq dollars ! Le prix d’une causerie, ô grands dieux ! qui me prend vingt-quatre heures d’un travail aussi consciencieux qu’indigeste. Alors, je me mets en grève. Quelle magnifique découverte que cette façon moderne de se graisser la patte ? Un rentier n’a que deux cents louis de revenus, ce qui ne lui suffit pas, si, comme moi, il est généreux jusqu’à la prodigalité. « C’est bien, se dit-il, il me faut cinq cents louis, je me mets en grève. » Et le voilà se battant les flanc, signalant les injustices de la société, entrant dans 1’Internationale et faisant des acquisitions énormes de pétrole pour incendier les banques.

Je vous préviens que cette manie me gagne, et que je vais bientôt vous demander un prix double pour la moitié moins d’ouvrage.

On a beau dire, c’est un métier désagréable que celui de bourreau. C’est en vain qu’on veut remplir un devoir, faire le sacrifice de soi-même au bon ordre de la