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CHRONIQUES

une reproduction de la nature que son interprétation libre et intelligente, marquée de la ferme empreinte de l’artiste.

Néanmoins il ne faut désespérer de rien. La France ne fait que subir un temps d’arrêt, et je dirai même que cette prodigieuse variété d’œuvres légères est encore l’indice de son exubérante fécondité. Jamais on ne vit plus d’esprit que de nos jours ; seulement il se dépense en détail au lieu de se condenser dans des volumes. Autrefois on avait plus le temps de méditer, de coordonner, de rassembler ses études et ses travaux dans un cadre monumental qu’on destinait surtout à la postérité : aujourd’hui on est de son temps et l’on s’occupe moins du Panthéon de l’Histoire qui ne saurait défendre des vers du tombeau.

Depuis un an les maladies épidémiques semblent vouloir se naturaliser sur notre sol ; les fièvres typhoïdes, la petite vérole, les fièvres scarlatines, le typhus exercent à la fois leurs ravages. Mais que dire de la mort subite ? On peut à peine ouvrir un journal sans y lire qu’un tel est mort d’une maladie de cœur, ou d’une congestion de poumons, ou d’une apoplexie, etc., etc. Mourir subitement devient un genre, une espèce d’habitude. Aussi, l’on commence à s’y faire. Il y a même des gens qui, à ce propos, ont cherché des statistiques.

La statistique ! Voilà encore une épidémie ! elle envahit tout, il n’y a pas de refuge contre les additionneurs de chiffres. L’un d’eux vient de calculer que de 1860 à 1870 il était mort subitement 10 432 personnes en