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CHRONIQUES

ant et la somptuosité tapageuse à des prix fabuleux, sans vous donner pour un centin valant du vrai luxe de la campagne.

Malheureux et insensés ceux qui se laissent séduire par ce mensonge brillant ! ils s’en retournent à la ville plus fatigués, plus maigres, plus altérés que lorsqu’ils en sont partis. Avec cela, les enfants, le vacarme, les serviteurs ahuris qui ne savent pas où donner la tête, les arrivées nouvelles de chaque jour qui bouleversent les chambres où l’on vous parque deux ou trois ensemble, la gêne de tous les instants, la nécessité d’être magnifique ou du moins de le paraître, l’impossibilité de prendre des bains à son choix, parce que les grèves sont couvertes à chaque instant du jour d’enfants et de femmes qui y viennent on ne sait pourquoi, croyez-vous que tout cela puisse amuser un vrai touriste ou inspirer un chroniqueur ?

Pour moi, je vais où je puis me mettre en chemise et en pantoufles, et surtout à bon marché. Je rends grâce au ciel de m’avoir fait pauvre afin de pouvoir boire du lait à ma fantaisie. Quand les chroniques m’auront rendu millionnaire, alors je songerai à payer quatre dollars par jour pour épaissir la croûte de mon abrutissement ; mais alors vous n’aurez plus de chroniques.