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CHRONIQUES

Lorsqu’il a passé des heures d’attente et de désespérance, il applique à son tour des poutres au pouvoir ; dans cette tâche ingrate, son rédacteur[1] a dépensé le plus beau de ses forces, le plus fort de sa volonté. Jeune, il a cru qu’il lui suffisait de sa jeunesse accolée à cette ruine pour la soutenir. Il n’a pas encore voulu y mettre son talent, tant l’illusion l’a toujours aveuglé, et il le réserve pour le jour de la chute, comme un éclair dans le naufrage. Je le plains, tout en l’estimant comme on estime tous ceux qui se fourvoient avec conviction ; car il n’est pas fait pour chanter des hosannas, mais pour porter la pioche au noir édifice conservateur dans lequel, depuis des années, s’engloutissent tant de talents jetés hors de la voie. Il a un esprit vigoureux, un talent ferme, une science peu commune, mais dont l’éclat ne peut percer à travers les épaisses couches qui l’entourent. Que faire, lorsqu’on est réduit à préconiser deux ou trois « compagnons du Bain » qu’aucune lessive ne peut décrasser ? Comment tirer l’honorable Hector de son néant ? Autant vaudrait entreprendre d’illustrer Charles de Boucherville ou de couvrir Bellerose de lauriers.

Il me revient justement à la mémoire en ce moment un entrefilet du Canadien, évidemment dû à une plume étrangère, sinon intéressée. Je le reproduis, parce qu’il me fait tressaillir d’orgueil, mais je ne prétends à aucun autre mérite qu’à celui d’en vouloir prolonger le souvenir. Cet entrefilet était écrit il y a quinze

  1. Lucien Turcotte.