Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je marchais la tête basse et le diable bleu dans le corps, — à quel endroit précis de ma personne ? je ne saurais dire.

C’était dans les premiers jours d’octobre. Le souffle de l’automne refroidissait déjà les vallées attristées, les épis penchaient leurs têtes jaunissantes en attendant la faulx ; les foins séchaient entassés dans les granges où le colon met son espoir. Déjà le crépuscule donnait à peine quelques instants à la nature pour préparer son sommeil ; j’avais vu mourir les fleurs, je ne trouvais plus rien à aimer dans la campagne qui se dépouillait tous les jours sous mes yeux et j’avais hâte de m’enfuir sous des cieux plus propices, fatigué de la monotonie de la solitude.

Il y avait dans tout cela une préparation au désespoir, mais ce n’était encore rien. J’arrivai à Québec après avoir fait mille détours, comme dans mes chroniques, notamment après avoir fait le tour de la Baie des Chaleurs. La session était commencée et les séances allaient leur train qui est celui d’une rosse des concessions. M. Chauveau et M. Cauchon s’étaient déjà pris aux cheveux sans se faire mal, et l’opposition préparait avec science ces sorties glorieuses où la fortune, toujours marâtre, a de nouveau trahi son courage.

M. Joly adressait journellement ses philippiques veloutées et M. Holton décrassait les rouages. M. Marchand, tirailleur obstiné, toujours sur la détente, envoyait à droite et à gauche des calembourgs inouïs, oubliant que la gloire l’attendait le 4 décembre, à la représentation de sa ravissante petite comédie Erreur n’est pas compte ; M. Bachand compilait les statuts, et