Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/346

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APRÈS



C’est le trois janvier enfin !… On a fini de serrer et de resserrer ma pauvre main tout ampoulée. On a fini d’avoir du bonheur par-dessus la tête et de s’en souhaiter mutuellement à s’en rendre malade. Les paresseux ont eu leur congé du deux de l’an sans compter celui du premier, lequel est obligatoire, mais non gratuit. De braves gens, mes compatriotes, que je ne vois pas une heure de toute l’année durant, ont voulu rattraper le temps perdu ; ils se sont précipités sur ma main comme sur des étrennes, et l’ont engloutie dans leurs transports ; il me semble qu’ils la tiennent encore… Pendant deux jours, elle a été à tout le monde, excepté à moi, et j’ai peine à la reconnaître maintenant qu’elle m’est revenue.

Je regarde cette pauvre main qui essaie de reprendre la plume, et j’ai envie de lui souhaiter la bonne année. Si je me la serrais !… C’est une vraie frénésie. Le jour de l’an est épidémique : j’ignorais cela ; s’il durait seulement une semaine, on ne pourrait plus se lâcher.

Les amis de nos amis sont nos amis ; c’est le cas de le dire. Pour moi, j’en ai vu de nombreux, qui ne sont certainement pas les miens, ce que je regrette, car ils m’eussent sans doute épargné, — je les ai vus s’élancer