Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/375

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Si l’on veut savoir maintenant ce qui a amené la Minerve à rappeler cet axiome, méconnu dans la longue possession du pouvoir et le soin assidu des intérêts privés, nous dirons que c’est à propos du premier dîner public donné par M. Hector Langevin après dix années de ministère. M. Cauchon, dans un récent article du Journal de Québec, blâmait l’honorable ministre de s’être un peu fait attendre et de ne recourir à la ressource suprême de la table que dans un cas désespéré. Ce reproche paraissait plausible aux esprits non familiarisés avec les vérités fondamentales, mais la Minerve eût bientôt rétabli le caractère et les devoirs de chaque condition :

« De quel droit, dit-elle, M. Langevin, jusqu’à ce jour simple lieutenant de M. Cartier, aurait-il convié à un banquet les membres du parti conservateur ? La modestie, le désintéressement de M. Langevin durant le cours d’un commandement subalterne, sont non seulement des titres réels à la considération, à l’estime et au respect de tous, mais encore l’assurance la plus formelle de ses capacités de chef. »

S’il ne faut d’autre garantie, pour devenir un bon chef, que de ne jamais déboucher le champagne ni offrir des perdreaux aux choux, il est indéniable que notre pays est une pépinière de gens propres aux rôles secondaires. La frugalité de M. Langevin, qu’il n’a pas hésité à faire partager, pendant dix ans, aux dociles adhérents de l’homme de bronze, devient un signe de mérite assez commun. « Pour savoir commander, ajoute la Minerve, il faut savoir obéir. » Faut-il conclure de là que l’honorable ministre, à force d’assister aux dîners de son chef, a appris à en donner à son