Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les wagons.[1] Du feu le 20 juillet ! Allez donc à la campagne maintenant. Canada, mon pays, mes amours, tu n’es qu’un farceur.

Il y a à peine trente ou quarante pensionnaires dans ces hôtels renommés où, l’année dernière encore, on ne pouvait trouver, à prix d’or, trois chaises pour se coucher dans un passage. Presque toutes les familles canadiennes et anglaises ont leurs maisons privées, et elles s’y rendent. Pour le voyageur de passage, comme il n’aime pas à se faire inonder de pluie et barbouiller de boue, il va ailleurs. Mais les Américains, eux, sont indomptables ; les Américaines, surtout, bravent tous les climats. Quelles femmes ! on parle d’infuser du sang nouveau dans les veines de notre race, prenez de celui-là. Comme je traversais à Tadoussac, l’autre jour, le bateau en était rempli ; la froide bise du nord nous saisit à quelques milles des côtes ; croyez-vous qu’elles se sauvèrent dans le salon ou s’emmitouflèrent de châles ? Non, elles se précipitèrent toutes à l’avant dans leurs robes de mousseline ou de toile, chantant, aspirant avec force l’air presque glacial, et, de leurs yeux pleins d’éclairs, perçant l’horizon sauvage et sombre formé par la chaîne des Laurentides. Quelles bavardes intrépides ! voilà des femmes qui savent rire. Cela nous charme, nous autres canadiens, habitués que nous sommes à des femmes qui ne rient jamais sans en demander la permission à leurs voisins.

C’est un étrange pays que cette côte nord du Saint--

  1. En Canada on appelle les wagons des chars, du mot anglais cars.