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CHRONIQUES

jamais fait cette observation ? Des maringouins le 20 août ! Tout est anomalie cette année ; dire que l’été n’est commencé que depuis huit jours, et que c’est précisément depuis ces huit jours que les étrangers retournent à la ville ! Pour moi, je suis libre comme le coursier du désert, et j’entends porter encore mes pas errants de campagne en campagne jusqu’au dernier rayon chaud de cet été tardif.

Quelle existence charmante on mène ici ! Kamouraska est un des endroits les plus intelligents de la province ; vous y trouvez toute une légion de jeunes gens instruits, déniaisés comme le sont peu de Canadiens, tout à fait de leur temps, libéraux en diable, absolument la chair et l’esprit qu’il faut pour la grande campagne électorale de l’année prochaine. Et les vieux ne le cèdent pas aux jeunes. Quels types ! tous ils diffèrent entre eux ; pareils originaux n’existent nulle part. Grands buveurs, grands mangeurs, grands chasseurs, grands parleurs.

De la chasse et de la pêche tant qu’on en veut, un site ravissant, des lurons accomplis et des femmes… je m’arrête, je ne veux pas dire de ces choses !… Passons au large.

On frappe à ma porte. Entrez. C’est une créature : oh ! soutenez-moi. « Que puis-je faire pour vous être agréable, madame ? — Pourriez-vous me dire, monsieur, où demeure Mme Demers ? — La porte voisine, madame. — Ah ! Bien des mercis, monsieur. — Nullement, madame, vous êtes bien venue. — Oui, je ne suis pas mal