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VOYAGES.

Les états et territoires, situés dans le voisinage de la ligne transcontinentale, ne contenaient en 1860 qu’une population de cinq cent cinquante mille âmes, deux cent trente deux milles de télégraphe et trente-deux milles de chemin de fer. En 1870, il y avait onze cent mille âmes, treize mille milles de télégraphe et quatre mille deux cents milles de chemin qui, avec les lignes adjacentes, représentaient le capital énorme de trois cent soixante-quatre millions de dollars. C’était, il y a quelques années à peine, le désert où mugissaient et ondulaient d’innombrables troupeaux de buffles, où les sauvages, cachés dans les gorges et les ravines, se précipitaient à l’improviste sur les groupes isolés d’émigrants et les massacraient sans pitié ; aujourd’hui, c’est la civilisation, triomphante et tranquille, qui s’avance dans la vaste solitude et la peuple à chaque pas en regardant fuir au loin devant elle tous les ennemis qui, jadis, en faisaient la terreur.

Il faut que cette fuite ait été rapide, car il n’y a plus trace aujourd’hui de ces terribles Indiens qui, tantôt guettaient les convois d’émigrants sur la route, tantôt mettaient à sac leurs villages naissants ; ils ont disparu ou plutôt fondu sans retour, et la vie des plaines n’offre plus rien de cet attrait formidable qui a si longtemps nourri l’imagination des romanciers. On peut voir encore les attelages primitifs des settlers, formés de grandes charrettes couvertes et de deux paires de bœufs, s’acheminer lentement dans les différentes routes qui rayonnent de chaque côté du chemin de fer jusqu’aux établissements les plus reculés,