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VOYAGES

recouvre généralement la brique d’une couche quelconque, que l’on peint ensuite de façon à lui donner l’apparence de la pierre de taille. Les habitants de San-Francisco n’ont pas l’air de tenir essentiellement à l’éclat extérieur de leurs bâtisses, si ce n’est pour leurs écoles dont ils sont particulièrement fiers, et qu’ils dotent à qui mieux mieux avec une émulation jalouse,

Les loyers sont énormément chers, et cependant les hôtels, les restaurants et les cafés pullulent. C’est que la vie, à San-Francisco, comme dans les villes européennes, est presque toute extérieure ; le chez-soi est secondaire, le San-Franciscain étant généralement un homme venu d’ailleurs, dont l’existence, toujours à la poursuite de la fortune, est d’une activité incessante. Sa ville ne lui offre pas de traditions et l’idée de famille n’y est encore qu’en germe. Vous entendrez des gens qui ont vécu dix, quinze ans à San-Francisco, dire qu’ils n’y sont qu’en passant, et que bientôt ils retourneront chez eux. Mais ce bientôt ne vient presque jamais, tant l’homme, une fois lancé à la poursuite de l’or, ne peut plus s’arrêter dans cette course. Le californien ne s’aperçoit pas des années qu’il vit ; il n’en a pas le temps ; il les dévore et en est dévoré lui-même, et lorsqu’arrive le terme, il tend encore la main vers l’avenir doré. Les français surtout, qui vont en Californie, n’ont pas la moindre idée de séjour, et cependant ils y meurent presque tous, après de longues années passées dans l’accumulation des richesses.

De tous les français émigrés aux États-Unis, ce sont ceux de San-Francisco qui ont le mieux prospéré. Ils sont au nombre d’environ quatre à cinq mille, dont une bonne partie est riche et quelques-uns cinq à dix fois millionnaires. Ils sont généreux, paient de leur bourse dans toutes les occa-