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VOYAGES

moi. On est bientôt sorti d’une ville comme Omaha et l’on ne tarde pas à se trouver au milieu des habitations qui l’entourent comme une ville nouvelle, parsemée de villas et de cottages noyés dans les bosquets. Toute la banlieue d’Omaha est délicieuse ; ce sont des collines qui s’élèvent capricieusement dans toutes les directions, couvertes d’une verdure luxuriante, des ravins et des petites vallées qui conservent un ombrage humide, et d’où s’échappât des sentiers pleins de mystères aboutissant aux prairies qui envoient les mille parfums de leur sol exubérant. C’est un singulier contraste que cette ville bâtie absolument sur le sable, sans un arbre et sans ombres, avec cette ceinture ruisselante de fraîcheur embaumée, répandant avec un abandon plein de tendresse et une prodigalité délicate ses senteurs vivifiantes.

Devant, coule le Missouri, longue artère vaseuse, tortueuse, aux bords insipides et plats, qui, seul, alimente la ville d’une eau impossible à clarifier. Au loin flottent et s’enflent, sous la fermentation du sol, les longues prairies, semblables à de grosses vaches laitières, aux mamelles toujours gonflées. Du haut des collines les plus élevées, on découvre une vaste étendue dans laquelle percent çà et là, vaguement, quelques villages perdus dans la mer des plaines ; c’est un spectacle d’une grandeur calme et assouvie ; on dirait que la nature, satisfaite et replète, entr’ouvre mollement ses seins où s’abreuvent ses innombrables nourrissons. Les routes sablonneuses s’étendent à perte de vue, et l’on voit fumer, à tous les points de l’horizon, les locomotives des chemins de fer gagnant les villes, grandes et petites, qui, désormais, ne se compteront plus jusqu’aux rivages de l’Atlantique.