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le préjugé.

La recherche assidue de la cause, l’examen persistant du fait semblaient être trop audacieux pour l’homme. Il devait s’incliner devant un pouvoir supérieur sans chercher à comprendre les lois qu’il avait établies, comme si elles étaient en dehors de son atteinte. Une nuit noire enveloppait le monde qui s’en rapportait au préjugé, c’est-à-dire à l’erreur érigée en doctrine. Il était convenu que le soleil tournait et non pas la terre ; il était convenu qu’il ne fallait pas disséquer un cadavre, et de même, dans toutes les branches possibles des connaissances humaines. L’expérience semblait interdite comme une profanation de la nature. C’était le secret de Dieu et l’homme n’y devait pas pénétrer. On ne savait rien de la chimie et la physique était pleine de tâtonnements puérils ; la géologie était encore à naître, et personne n’eût même osé soupçonner la paléontologie qui a refait des mondes disparus.

Il en était de même dans l’ordre moral. L’histoire n’était guère qu’une suite de fictions et de légendes, et les plus ridicules récits étaient admis sur la foi d’auteurs qui se copiaient les uns les autres. On suivait dans cette branche importante les mêmes errements que dans tout le reste : dès qu’une chose était affirmée et écrite, elle prenait cours et personne ne se fût avisé de la contester. De là tant d’absurdités régnantes. Mais vint la critique, qui apporta dans l’histoire la méthode scientifique ; elle y introduisit l’expérience, sans se soucier de la croyance générale et des opinions reçues ; elle analysa le fait, le plaça en face des témoignages indépendants, l’étudia sur les lieux, appela à son secours la lumière des probabilités et des circonstances environnantes ; elle le confronta avec la raison, et, non rassurée encore, elle s’aida de toutes les découvertes