Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/52

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
CHRONIQUES

trent par toutes les portes et jusque dans le foyer inviolable des familles, placarder des affiches de huit pieds, en concurrence avec le baume de Wistar et les vermifuges de cent apothicaires plus ou moins homicides, se démener pendant huit à dix jours comme un poisson hors d’eau, prendre auprès de ceux qu’on tente les accents les plus doucereux pour les convaincre qu’on est le plus grand écrivain de l’univers, souffler à perdre haleine dans ce gros instrument à vent qui s’appelle la réclame, mettre sur pied un régiment d’amis qui battent la ville, vos cartes à la main, en comptant ce qu’il faut de victimes pour assurer le succès d’un Mark Twain indigène, tout cela pour venir faire au nez des gens des observations sur leur propre compte, c’est peut-être de l’audace, et je ne m’en tirerai que par la protection spéciale que je demande aux dames, ces créatures si supérieures auxquelles Dieu a refusé les apparences de la force, pour leur en laisser toute la vertu réelle dans l’épreuve, et lorsqu’il s’agit de nous soutenir ou de nous encourager. C’est aux femmes que nous en appelons, nous, pauvres prosateurs, qui ne pouvons pas toujours être poëtes pour les atteindre ; c’est à elles, dont le cœur vaut l’esprit, que nous en appelons, lorsque nous affrontons la critique, parce qu’étant bien plus capables que les hommes de nous juger, si souvent même obligées de nous pardonner, elles ont bien plus qu’eux le droit d’être indulgentes.

Messieurs, moi qui ai quitté Montréal depuis bientôt trois ans, je ne sais plus au juste quels sont vos qualités ou vos défauts. Je vois une ville presque métamorphosée dans ce court espace de temps, d’innombrables maisons et des rues nouvelles, qui, malheureusement, ont encore un peu trop de poussière ; des monuments qui s’élèvent pour défier la splen-