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CHRONIQUES

veau la main ; il est si bon de se rapprocher ! Mais cela dure un jour, et je n’ose compter les baisers que le lendemain on regrettera peut être.

Si, du moins, année nouvelle, tu venais apporter le pardon à tous les cœurs qui souffrent, si tu venais vraiment pour couvrir d’un voile éternel les regrets que nous laisse l’année mourante, alors je te saluerais comme une bienfaitrice, toi que je crains de maudire.

Qui sait, pourtant, qui sait… si tu ne portes pas l’espérance ? Sur ton front vierge, que rien ne ternit encore, n’y aurait-il donc place que pour le mensonge ? Ne ferais-tu que succéder à l’année qui s’en va, sans ensevelir avec elle tous les maux qu’elle a semés ? Non, non, viens. Et qu’importe après tout ! Qu’importe que tu ajoutes ton poids à celui que nous traînons tous, que je traîne, moi, depuis trente-quatre ans, trente-quatre ans que je n’ai plus aujourd’hui, et l’avenir !… l’avenir, qu’il va falloir subir !

J’ai passé l’été de la vie, mais je cherche en vain maintenant le soleil qui l’a échauffé. Que me feraient du reste ses rayons impuissants ? Pourraient-ils arriver jamais dans la nuit de mon cœur ? Avant même que les fleurs eussent paru sur l’arbre de ma vie, les orages en avaient déjà emporté et balayé au loin toutes les feuilles.

Et maintenant je m’arrête sur le tombeau de ma jeunesse et de ma force ; je voudrais retenir un instant l’heure qui fuit en ne me laissant pas même le loisir de pleurer. Mais non, non, inutiles efforts !

Allez, passez, effacez-vous, jours à jamais perdus. Vous n’êtes plus maintenant que des souvenirs. Il faut briser, nous séparer pour toujours… Toutes les images chéries que vous m’aviez montrées à votre aurore sont déjà depuis