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L’OUTAOUAIS SUPÉRIEUR

que je m’adresse, à ceux qui ont l’avenir devant eux et qui sont encore incertains de leur voie. Regardez, rendez-vous compte et décidez-vous. Qu’étions-nous il y a quinze ans à peine ? Un pays encore dans les langes, étouffé dans une politique de centralisation absorbante, sans horizons pour la jeunesse, condamné d’avance à cette immuabilité funeste qui est le commencement de la déchéance. Parler de colonisation à cette époque, c’était simplement ressasser un vieux thème ridicule, tourner une manivelle uniforme et obligée, comme ces formules qui font partie nécessaire d’un discours du trône ou d’un appendice de statut. On faisait voter des octrois annuels comme on inscrit un antique et vénérable préambule à une loi que personne ne comprend ; on donnait des subventions aux députés pour faciliter le vote des électeurs bien disciplinés, mais on n’en donnait pas au pauvre défricheur qui suait à grosses gouttes au fond des forêts, et qui demandait en suppliant de pauvres petits chemins, bien primitifs, bien grossiers, mais suffisants pour lui permettre de sortir du bois et de se procurer les ressources indispensables à sa famille. Une bonne partie de la province était entre les mains de spéculateurs qui en entravaient l’établissement et ne voulaient démordre d’aucune de leurs prétentions ; et, ce qui était plus déplorable encore, c’est que la loi semblait impuissante contre eux, c’est qu’on n’osait