Page:Buies - L'Outaouais supérieur, 1889.djvu/169

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des heures entières, et qui écoutent un maître leur enseignant à trouver un sens dans des signes tracés les uns à côté des autres sur une ardoise, et à former eux-mêmes d’autres sens avec d’autres signes, sans le secours de la parole ou du geste !

C’est là le prodige, c’est là le triomphe de l’enseignement chez ces natures primitives, grossières, inaccessibles à toute idée abstraite, incapables de voir dans les signes autre chose que l’image exacte, que la représentation rigoureuse de ce que l’on veut exprimer. Des signes, qui ne sont que de convention, dépassent l’intelligence commune des Indiens, lesquels ne comprennent absolument que ce qui tombe sous les sens. La sphère de leurs idées étant très étroite, bornée à ce qui les entoure immédiatement, sans qu’ils puissent rien soupçonner au-delà, il en résulte que leur langue est nécessairement peu étendue, et cependant elle est très riche, très imagée, tellement susceptible, dans son état rudimentaire, de recevoir toutes les empreintes, qu’on peut lui trouver des mots pour exprimer jusqu’aux plus subtiles nuances des choses.

Dans un voyage qu’il a fait l’année dernière, l’auteur de ce livre a visité l’école sauvage du lac Témiscamingue. Il y a trouvé vingt et un élèves, dont la plupart pouvaient lire et dont plusieurs écrivaient passablement. Il a été surpris de leur prononciation,