qui l’écoutaient, qu’il avait parcouru soixante-dix milles en trois heures. L’idée de chemin de fer était beaucoup trop compliquée pour l’intellect de ses auditeurs, qui n’auraient jamais pu imaginer que leur Manitou lui-même fût capable de conduire une locomotive.
Un spectacle curieux, et qui donne la mesure de la nature enfantine des Indiens, c’est leur arrivée au poste, après leurs longues courses d’hiver à travers les forêts. Il faut les entendre raconter ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont fait, et leurs fatigues et leurs privations et leurs longs jeûnes, et les histoires, toutes plus puériles les unes que les autres, qu’ils ont recueillies en chemin ou dans lesquelles ils ont figuré eux-mêmes, la plupart du temps d’une manière un peu merveilleuse, bien entendu ! Au fur et à mesure qu’un nouveau canot arrive au poste, tous les sauvages qui sont déjà arrivés accourent au-devant de lui, et alors recommencent les mêmes histoires, augmentées de celles qu’apportent les derniers arrivés. Ce sont des joies, des rires, des étonnements, des exclamations, des pantomimes les plus expressives, à propos des plus petits incidents, des épisodes ou des hasards les moins dramatiques. Le commis du poste leur donne à chacun une « torquette » de tabac et une pipe ; ils allument un grand feu sur le rivage, s’asseoient autour, les jambes croisées, et prolongent