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Encore une comparaison.

Les capitalistes des États-Unis n’ont rien tant à cœur que de contribuer à la fondation, à l’entretien, à la prospérité des écoles, collèges et institutions de tout genre. Ils comprennent qu’un peuple instruit est toujours libre, et que l’ignorance de ses droits est seule cause qu’il les abandonne. Aussi, les particuliers y jouent-ils le rôle de l’état pour toutes les institutions publiques ; ils sont la providence de l’avenir. Leurs généreuses, leurs étonnantes prodigalités pour l’instruction des enfants ne sont inspirées que par l’amour des institutions de leur pays, qu’ils ne peuvent perpétuer qu’à la condition que les générations futures les connaissent et les aiment en les connaissant.

Tant de riches dotations ont moins pour effet de soutenir des écoles ou des collèges que d’assurer l’éternelle liberté politique, intellectuelle et civile du peuple américain.

En Canada, les dotations ne sont faites qu’aux corporations religieuses, et n’ont d’effet que pour maintenir l’ignorance et la lèpre du parasitisme social.

Ceux qui ne font pas de dotations ne visent qu’à avoir des chevaux où à faire banqueroute, dès qu’ils ont assez d’argent pour cela.

J’ai sous les yeux le rapport du président de l’Institut Canadien de Québec. Voici comment il s’exprime :

Les jeunes gens, qui ont plus que tous les autres besoin de l’Institut Canadien ont à se faire une position. Les ressources d’un grand nombre sont tellement limitées, qu’ils ont peine à se procurer les choses les plus nécessaires à la vie matérielle. Ils ne peuvent donc pas, avec la meilleure volonté du monde, payer leur contribution annuelle. La somme de ces contributions étant la seule ressource que nous ayons pour faire face à nos dépenses, on comprend donc les embarras périodiques dans lesquels nous nous trouvons.

Il y a un moyen de les faire cesser, c’est la libéralité de ceux dont la fortune est faite, de ceux qui, n’ayant plus d’inquiétude pour eux-mêmes, peuvent aider les autres. Cette libéralité, nous la trouvons chez un certain nombre d’entre eux ; plusieurs citoyens, qui n’ont aucun besoin de l’Institut, continuent d’en être membres et paient leur contribution annuelle avec régularité. Bien qu’ils ne fassent en cela que leur devoir, ils sont si peu nombreux que nous ne devons pas leur marchander les éloges et les remerciements.

Le plus grand nombre de ceux qui sont dans la même position qu’eux oublient entièrement ce qu’ils doivent à la société où ils vivent. Les uns croyant sans doute qu’une institution comme la nôtre peut, suivant une expression populaire, vivre de l’air du temps, s’imaginent lui avoir rendu un grand service et en avoir mérité de la reconnaissance, lorsqu’ils ont mis leurs noms sur la liste de ses membres. D’autres, et ils sont plus nombreux, connaissant la nécessité de la souscription annuelle, et ne voulant pas s’imposer un si lourd sacrifice, envoient leur démission pour n’avoir pas à payer quatre piastres par année. Combien de fois nous est-il arrivé, au sortir d’une assemblée du bureau de direction, de rencontrer l’équipage d’un individu dont nous venions de recevoir une lettre annonçant qu’il cessait d’être membre de l’Institut ! Il n’avait pas cru pouvoir sacrifier plus longtemps une si forte somme !