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appelé un des élus du Seigneur, parce que vous serez mort en prononçant le nom de Jésus et en donnant des petites images à votre frère ; mentir, calomnier effrontément et sans mesure, pourvu que vous ayez les mains jointes et les yeux levés vers le ciel…

Généralement ce sont les vieilles filles qui ont les meilleures méthodes de sainteté. Arrivées à cinquante ans, elles ont une aversion insurmontable pour les amours mondains et ne veulent plus être les épouses que de Jésus-Christ. C’est pour elles qu’on a imaginé spécialement la neuvaine à Sainte Thérèse dans ce style : Premier jour. « Notre très-aimable Seigneur. Deuxième jour. Notre très-miséricordieux Seigneur. Troisième jour. — Notre très-aimant Seigneur. Quatrième jour. — Notre très-doux Seigneur. Cinquième jour. — Notre très-bon Seigneur. Sixième jour. — Notre très-libéral Seigneur. Septième jour. — Notre très-amoureux Seigneur. Huitième jour. — Notre bien aimé Seigneur. Neuvième jour. — Notre très-cher Seigneur. »

Au 19e siècle, époque de civilisation et de mœurs adoucies, il n’est plus nécessaire, pour être saint, de se flageller, de porter des cilices, d’attendre dans les déserts qu’un corbeau vous apporte un pain tous les jours (ces corbeaux étaient plus forts que ceux du Canada), ou enfin de rester planté sur une colonne pendant soixante-huit ans, comme St Siméon stylite, le jeune.

« La vertu n’est pas une fâcheuse, dit le révérend père Lemoine, dans son livre de la Dévotion Aisée ; il y a eu des saints pâles et mélancoliques ; ceux d’aujourd’hui sont d’une complexion plus heureuse ; ils ont abondance de cette humeur douce et chaude, de ce sang bénin qui fait la vie. »

Ainsi, soyez d’humeur douce, soyez bien docile et soumis, un des 99 moutons ; ayez le sang et l’esprit bénin, dites en parlant des prêtres : « notre digne clergé qui a fait tant de sacrifices pour… s’enrichir, » mais gardez-vous, gardez-vous de n’être pas amoureux fou des Jésuites.

Un autre bon moyen, c’est de réciter tous les jours trois ou quatre pages du « Rosier de Marie » ; récitez de préférence la page où vous lirez ceci : « Marie est une beauté très-ancienne (ce qui est le contraire des autres créatures qui, en devenant anciennes, perdent leur beauté). Elle a existé en Dieu, éternellement. Le Seigneur a vu que la chair et le sang de Marie passaient dans l’humanité de son Verbe et seraient divinisés dans sa personne, et que, dans un vrai sens, elle ne serait plus distincte de son Dieu. Marie fut l’objet, de la part d’Adam et d’Ève, d’une grande dévotion, et ils la transmirent à leurs enfants. Les hommes spirituels lui rendirent un culte d’amour, dès les premiers âges du monde. »