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Ici, le professeur, que l’émotion gagne, peut à peine continuer son exposition ; mais à la fin il pousse un cri et fait avec ses doigts les mots « Vive le catholique, » qui sont suivis des plus délirantes manifestations de la part des élèves.

Puis vint

« La Mort de Luther. — Luther était en train de prêcher contre le pape et l’église de Rome, quand il fut saisi à la gorge par des démons invisibles ; on le transporte chez lui dangereusement malade. Sa gorge commença à enfler à tel point qu’on le crut perdu. Son corps était couvert de vermine, d’ulcères et de plaies de toute sorte ; enfin il mourut à la suite des souffrances et de l’agonie les plus atroces. »

Ce qui m’étonne, c’est que le professeur n’ait pas fait mourir Luther en se confessant ; peut-être avait-il trop mal à la gorge.

Vous avez suivi, lecteurs, vous avez vu comment on instruit les sourds-muets, comment on enseigne l’agriculture et la physique du globe.

Qui osera me taxer d’exagération, maintenant, quand je dirai qu’il est impossible que dans nos colléges on enseigne la science, qu’il est impossible que notre jeunesse en sorte connaissant quelque chose. On ne veut pas qu’elle sache, pardieu ! « Cela ne ferait pas notre affaire » !!

Qu’on prenne le grand nombre de nos hommes de profession, parmi la classe qu’on est convenu d’appeler instruite, que savent-ils ? un peu de routine de métier propre à faire d’eux des agents d’affaires, et, en dehors de cela, rien.

Ah ! nous en sommes bien encore au temps où le clergé forçait Copernic à dire que le soleil est immuable, parce que Josué l’ayant arrêté, il n’était pas dit qu’il l’eût fait repartir, et où il emprisonnait Galilée pour avoir prétendu que la terre tourne. Et il en sera ainsi du clergé de tous les temps, parce que la science démolit l’échafaudage théocratique, amas de légendes et de puérilités qu’ont détrôné Newton, Kepler, Laplace et Cuvier.

Voilà des noms qu’on ignore dans les collèges, parbleu ! Mais en revanche, on y passe les deux-tiers de la vie en prières, l’autre tiers à apprendre les racines grecques et à maudire les philosophes.

Oh ! les philosophes ! on n’en connaît qu’un, Voltaire ; il est vrai qu’on ne le connaît que de nom, mais c’est assez pour le maudire.

Eh bien ! c’est une chose poignante et terrible qu’un état de société comme le nôtre. Quoi ! nous sommes aussi vieux que les États-Unis, et où en sommes-nous ? Quand je descends dans cet abîme, je reste épouvanté. Mais je ne craindrai pas d’y descendre encore davantage,