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Si je reçois pour ce volume l’encouragement que j’ai reçu pour chaque numéro séparément, je serai à même d’entretenir à Rome deux zouaves pontificaux et d’envoyer des étrennes à monseigneur Ignace.

J’extrais la page suivante de l’Histoire de la peinture flamande de Michiels ; c’est l’époque où l’archiduc Albert prend au nom de Philippe II d’Espagne le gouvernement des Flandres :

« La persécution religieuse continua pendant tout le règne des archiducs, sous une nouvelle forme. Les malheureux qu’on voulait détruire n’étaient plus appréhendés, torturés, jugés pour cause d’opinion, mais pour crime de sorcellerie. Chez un peuple accablé par la terreur, la prudence gouvernait tous les discours et toutes les actions. Ou bien on restait silencieux et immobile, ou bien on parlait, on se conduisait avec l’inquiétude et l’effroi des esclaves. L’inquisition dès lors se trouvait exposée à manquer de victimes, et Dieu d’holocaustes. Il fallait prévenir un si grand malheur : les bourreaux de saint Dominique et de saint Ignace y parvinrent en substituant l’accusation de fausses doctrines et d’erreurs schismatiques.

« Les bûchers continuèrent à dévorer des centaines de victimes, les échafauds à se rougir de sang, l’Église à remercier Dieu de ses triomphes. Et comme la superstition croyait les femmes disposées particulièrement aux pratiques mystérieuses, aux rapports secrets avec le diable, c’était contre les femmes surtout que se déchaînait la rage des bigots. On en martyrisait, on en brûlait de 70, 80 et 90 ans. Parmi les pauvres créatures rôties à Gand comme on ne rôtirait pas les plus vils animaux, qu’on égorge au moins avant de les mettre au feu, l’une avait 70 ans, l’autre 75, la troisième 77.

« Le 11 Août 1595, en la ville d’Enghien, on brûla quatre sorcières, au nombre desquelles une veuve de cent ans. »

Mais on n’épargnait point les femmes d’un âge mûr, les jeunes filles, qu’on suppliciait d’abord toutes nues ; on n’épargnait même pas les enfants. Une ordonnance d’Albert avait déclaré qu’on pouvait punir de mort les femelles à partir de douze ans, les masles à partir de quatorze. On est partagé entre l’horreur et l’indignation, quand on lit les sentences prononcées contre de malheureuses petites filles qui ne comprenaient assurément pas les questions de leurs juges. Ces brutes ne les condamnaient pas moins à être étranglées, brûlées et réduites en cendres. Et avant d’exécuter les victimes, on leur faisait subir d’atroces douleurs. Un grand nombre furent liées à un poteau, devant un feu ardent qu’on entretenait jour et nuit, et quand elles paraissaient vouloir s’endormir, on les flagellait. Béatrice van Overbech, de Waereghem, endura ce tourment infernal quatre jours et trois nuits. Et ce n’était pas seulement quelques individus qu’on exécutait de loin en loin : la persécution religieuse avait les proportions d’un massacre. À Douai, on brûla le même jour cinquante