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« Dans ces moments d’extase, je voyais près de moi, à ma gauche, un ange sous une forme corporelle. Il était très beau, son visage était enflammé.

« Il avait dans la main un long dard qui était d’or et dont la pointe avait à l’extrémité un peu de feu. De temps en temps, il le plongeait au travers de mon cœur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles ; — en le retirant, il semblait me les emporter avec ce dard et me laissait tout embrasée d’amour de Dieu !

« La douleur de cette blessure était si vive qu’elle m’arrachait de faibles soupirs ; mais cet indicible martyre me faisait goûter en même temps les plus suaves délices. Ainsi je ne pouvais ni en désirer la fin, ni trouver de bonheur hors de mon Dieu. Ce n’est pas une souffrance corporelle, mais toute spirituelle, quoique le corps ne laisse pas d’y participer à un haut degré. Il existe alors entre l’âme et Dieu un commerce d’amour si suave qu’il m’est impossible de l’exprimer. »

Mais il faut s’arrêter, il y a des passages que je n’oserais faire imprimer. Ici même je dois rappeler que le pape infaillible Grégoire xv appelle cela « des écrits empreints de la plus éminente piété et une pluie de divine sagesse. »

La scène de l’ange à la flèche a été particulièrement honorée de l’approbation du pape infaillible Benoît xiii, qui, le 25 mai 1726, accorda aux religieuses du Carmel « un office propre pour la transverbération du cœur de sainte Thérèse, et un autre pape également infaillible, Benoît xiv, a ajouté une « indulgence plénière » pour ceux qui visiteront les églises du Carmel, depuis les premières vêpres de la transverbération du cœur jusqu’au coucher du soleil. »

Je pourrais prolonger ces citations à l’infini ; le volume, qui a 627 pages, y passerait tout entier. On y trouve à chaque instant des phrases comme celles que je vais encore prendre au hasard, en ouvrant le livre.

« L’ineffable, l’adorable beauté de cet homme-Dieu. »

« Jésus-Christ me dit en me témoignant beaucoup d’amour : Tu es mienne, je suis tien.

— Ô bien-aimé de mon âme, répondis-je, comment l’amour que vous avez pour moi laisse-t-il entre nous une si grande inégalité ? » etc.

Ces citations sont prises textuellement d’un livre écrit par une sainte, approuvé par une foule de directeurs, car la sainte en changeait souvent, tous « flambeaux de piété, » plusieurs d’entre eux « lampes que Dieu mettait sur le chandelier » (ce qui veut dire qu’ils étaient évêques ou chargés d’autres dignités ecclésiastiques), l’un même tellement saint qu’il était vêtu de lames de fer blanc qui lui entraient dans la peau.

Ce livre, approuvé par trois papes, est tel que plusieurs lecteurs de la Lanterne ne laisseront pas traîner le présent numéro dans leur maison, s’ils ont des jeunes filles qui ne sont pas destinées à ce degré de sainteté.