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Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/281

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En vérité, je vous le dis, il faut être évêque pour parler le langage de la plus complète imbécilité et avoir avec cela le privilège d’être reproduit.

Que penser du peuple gouverné sans conteste depuis quinze ans par l’homme qui a pu écrire les deux pages d’insondable stupidité que je viens de reproduire !

Du temps que les hommes ne mangeaient pas, je comprends que le carême eût sa raison d’être.

Mais aujourd’hui, comment veut-on que les casseurs de pierres, les scieurs de long et les journalistes puissent y tenir ?

Je demande une dispense.

Le carême ne devrait exister que pour les curés et les fonctionnaires du gouvernement, parce que ces deux classes d’hommes, fort utiles du reste à eux-mêmes, trouvent dans un sommeil réparateur les forces que le commun des mortels ne peut renouveler que par des rosbifs saignants.

Les prêtres et les nonnes sont les gens les moins miséricordieux qu’il y ait, cela est connu depuis longtemps.

Si, encore, ils se contentaient de vous répondre que ça ne les regarde pas, quand vous leur demandez la charité, mais dès qu’ils apprennent que vous gagnez honorablement votre vie par le travail, ça les regarde aussitôt pour vous en empêcher.

L’Institut-Canadien avait engagé, il y a six semaines, un tout jeune homme pour faire les salles, les commissions… et autres choses généralement quelconques.

Il recevait six dollars par mois.

Tout à coup il disparaît.

On va aux informations et l’on apprend que sa mère lui a défendu de revenir, parce qu’il y a de mauvaises statues dans l’amphithéâtre des séances.

Or, qui avait soufflé cette bêtise à la malheureuse femme ?

Je soupçonne fort M. Giban d’avoir fourré son nez là. M. Giban n’aime pas les arts et il aime encore moins les gens qui gagnent leur vie, parce que ceux-là ont moins le temps de courir à ses sermons.

Il neige, il neige encore, et il neigera toujours, et quand il ne neigera plus, il neigera encore, et quand la fin du monde arrivera, quand le berceau du monde en deviendra le cercueil, eh bien ! il restera encore un morceau du Canada pour qu’il puisse neiger dessus.

On ne me fera jamais croire que ça n’est pas fait exprès.