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Pour étayer son despotisme, il s’appuya sur le clergé, mit toutes les entraves possibles aux livres et à la presse, facilita la circulation d’un nombre infini de petites publications immondes et stupides, et ouvrit enfin la digue aux flots du dévergondage moral.

Aussi voit-on depuis quinze ans en France un redoublement effréné de prostitution qui a fini par se résumer en deux types, stigmates impérissables d’une époque, la cocotte et le petit crevé.

Les intelligences sont tellement comprimées, les caractères tellement déchus, les prêtres ont tellement repris l’empire dans les familles, que, de concert avec les femmes, ils dirigent aujourd’hui la société et la mènent droit à l’abâtardissement.

En Canada nous n’avons pas les petits crevés des boulevards et des boudoirs, mais nous avons les petits crevés de l’Union Catholique, de l’Institut Canadien-Français, les crevés du parlement provincial, et les crève-faim de toutes les classes.

Ceux-ci sont naturellement tristes, mais les crevés du parlement provincial sont d’humeur joyeuse. Ils aiment à faire des farces, ne sachant comment faire des lois.

Figurez-vous qu’en ce moment ils parlent d’attirer chez nous une immigration étrangère.

Ce serait là une drôlerie sans égale, si elle ne nous faisait pas songer aux 500,000 canadiens qui ont dû fuir leur patrie et aux 1,200,000 qui restent, parce qu’ils ne peuvent pas la fuir.

Vouloir attirer des immigrants dans un pays que ses enfants eux-mêmes désertent à qui mieux mieux, c’est le sublime de l’impertinence.

Allons, mes amis, jouez au colin-maillard, faites des parties de dames, parcourez les buvettes de la capitale et retournez fumer la pipe avec les habitants, mais ne vous mêlez pas de légiférer.

Qu’y entendez-vous ? Quelles connaissances apportez-vous en histoire, en économie politique et en droit, qui vous permettent de faire des lois qui ne soient pas des casse-cous ?

Il y a des choses qui vous crèvent les yeux, des abus, un état social effrayant auquel vous êtes tenus de porter remède, et vous ne les voyez même point.

Le clergé vous a fait élire, je le sais ; c’est pour cela que je vous supplie de donner immédiatement votre démission.

Le clergé fait pour ses créatures ce qu’il a fait pour notre éducation.

À force de sacrifices pour nous instruire, il a réussi à nous rendre merveilleusement ignorants.