Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/35

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petit disparaît cette rondeur accusatrice, objet de tant de disputes, cause de tant de souffrances. Le flot cesse, et ces mêmes entrailles qui, tout-à-l’heure, semblaient contenir une existence vigoureuse, maintenant affaissées, molles, distendues, ressemblent à une joue après une fluxion.

Qu’était-ce donc ? Ô merveille, un abcès ! un abcès énorme venait de crever dans les flancs de la morte. C’était là l’enfant qui avait hérissé d’arguments trois illustres Hippocrates, dont l’un voulait procéder avec les canons évangéliques, et les deux autres seulement avec le forceps. Mais comme pour témoigner de la vaine sagesse des hommes, et des crimes que peut engendrer une fausse interprétation des dogmes, la nature, se mêlant de la partie, avait soudain tranché la question.

Mais en sera-t-il toujours ainsi ? Et pourra-t-on chaque fois se procurer des abcès sur commande ?

La pièce qui suit m’est envoyée directement de France. C’est l’explication d’une carte de géographie allégorique, copiée récemment par les élèves des religieuses du Saint-Sacrement de Bernay, en Normandie :


Presqu’île de la Perfection

La presqu’île de la Perfection est située à l’est du continent du Monde, auquel elle est jointe par l’isthme de la charité bienfaisante. Elle est baignée au nord et à l’est par le vaste océan de l’Amour divin et au sud par la mer du Mépris de soi même. On trouve le cap de Persévérance à la pointe méridionale, au nord celui de la Sainte-Défiance, et au nord-est celui de la Mortification.

Les principaux fleuves sont 1o. celui des Divines Consolations, qui prend sa source au pied du mont de la Générosité, arrose la cité du Bonheur, et se jette dans l’Amour divin ; 2o. le fleuve de la Paix qui sort des monts de l’abandon à la volonté de Dieu, et se jette dans la mer du Mépris de soi-même.

L’abord de ces lieux serait inaccessible si les voyageurs, après avoir côtoyé les rochers escarpés de la Crainte, des Troubles, des Scrupules et des Retours sur soi-même, ne trouvaient enfin le golfe de la Confiance, et ne jetaient l’ancre au port de l’Amour divin. Le commerce est très florissant ; on exporte dans le continent voisin le zèle du salut des âmes, la compassion, l’amour du prochain, le pardon des injures, et l’on reçoit en échange les solitudes et les croix dont les habitants savent tirer un grand prix ou plutôt un grand parti.

Le sol est très fertile et produit toutes les vertus. Après vingt-deux ans, le parfait modèle de la douceur, saint François de Sales se rendit maître de ce pays.

C’est ainsi qu’en France, au xixe siècle, on instruit les jeunes filles.

Et les Ultramontains réclameront encore le monopole de l’enseignement !

Des filles que les parents ont la naïveté de leur confier pour en faire des femmes capables de remplir dignement leurs devoirs d’épouses et de mères, ils s’efforcent de faire des idiotes !

Cela s’appelle élever les enfants sur les genoux de l’Église !!!