Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LA LANTERNE


No 4




Abonnés de la Lanterne, mes amis ! je suis illustre, illustrior, illustrissime, absolument comme l’évêque de Saint-Hyacinthe, mais sans qu’il m’en coûte aussi cher.

Mardi dernier, j’arrivais tout innocemment dans Québec, cette antique cité si pleine de souvenirs et si vide d’espérances.

Je foulais son sol vierge de macadam, et je cherchais ses trottoirs, qui sont aussi des souvenirs. Au-dessus de ma tête, les toits couverts de mousse des maisons se penchaient comme pour mesurer la distance qui les séparait du pavé. Les commères, installées déjà sur le devant des boutiques, arrêtaient les passants incertains et gourmandaient leur laitier. On voyait à l’horizon cahoter une calèche au milieu des rochers disposés jadis pour faire des barricades contre les Américains ; le ciel était serein, ainsi que les bons habitants…

À peine venais-je de gravir l’escalier de la haute ville et de me rendre compte, par anticipation, des sentiments qu’on éprouve dans le troisième ciel, qu’un groupe de jeunes gens, débouchant dans la côte de la Montagne, fond sur moi dès qu’il m’eût aperçu, m’entoure, m’arrête, et semble vouloir m’enlever.

« Buies, comment ! c’est toi ? Buies, toi ici !!! Mais tu vas te faire brûler, mon ami. Tu n’as donc pas vu la dépêche ? »

Et l’un d’eux, tirant de sa poche le Chronicle de Québec, me lit cette terrible dépêche qui venait d’être expédiée de Montréal, et que je traduis pour vous, lecteurs, en attendant que vous sachiez l’anglais.