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Eh bien ! ce séminaire, ces collèges, tout cela est riche, grassement doté, et s’enrichit tous les jours.

Ces prêtres se chauffent, eux, ils n’émigrent pas ; ils sont seigneurs, ils perçoivent la dîme, chantent des messes payées pour le repos de ton âme, quand ton corps a souffert toute ta vie.

Regarde dans les campagnes. Quelle est cette belle maison, la plus belles de toutes ! C’est le presbytère. Cette autre, splendide, c’est le couvent.

Tes mères, tes filles, tu ne sais comment les nourrir ; elles ont froid, elles gémissent, elles souffrent et se désespèrent.

Oui, eh bien ! regarde ces couvents, ces congrégations, habités par des femmes aussi. Mais ces femmes sont heureuses, elles jouissent, elles regorgent de richesses, elles ne méprisent pas les biens de la terre, et, par dessus le marché, elles passent leur vie à mendier.

Souffre, toi, peuple, c’est ton lot. Mais n’émigre pas dans les pays où tu deviendras libre, où tu ouvriras les yeux sur tous les mensonges qu’on te débite en Canada.

La reine d’Espagne, très-catholique, emprisonnait, exilait, fusillait les adversaires de son gouvernement.

La Junte Provisoire, qui ne s’est pas appelée catholique, comme en Canada les conservateurs prennent le titre de Parti des bons principes, afin de commettre, à l’abri de ce nom, tous les forfaits imaginables, la Junte Provisoire, dis-je, n’a encore emprisonné, ni exilé, ni fusillé aucun des ennemis de la révolution. Mais elle proclame la liberté des cultes, la protection du clergé inférieur, la suppression des dotations des séminaires, des abbayes et prébendes, le suffrage universel, la liberté de l’enseignement, l’instruction gratuite et obligatoire, la liberté municipale, l’abolition de l’esclavage, la liberté du travail, l’unité du droit, l’établissement du jury, l’abolition de la peine de mort, la suppression des loteries comme revenu de l’état, l’expulsion des Jésuites, l’abolition des monopoles, la fraternité avec tous les gouvernements libres, l’assimilation des monnaies avec celles de France.

Voilà ce qu’a fait l’Espagne, démocratique et révolutionnaire, en moins de huit jours.

Mais la monarchie espagnole, elle, qu’a-t-elle fait pendant une durée de huit siècles ?

Elle a détruit la civilisation des Maures qui avait embelli, enrichi et policé l’Espagne ;

Elle a fait l’Inquisition qui a jeté dans les bûchers cinq millions d’hommes ;