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III


Le grand lac des Mistassins est une vaste mer intérieure, faite de plusieurs larges baies successives, qui occupe un espace de plus de deux degrés, entre le 71e et le 74e degrés de longitude ; il est situé sur le 51e de latitude et se décharge dans la mer de Hudson par la rivière Rupert. Près du lac, et sur une petite rivière qui s’y jette, se trouve un antre de calcaire informe que les sauvages appellent la « maison du grand génie ». De l’autre côté, c’est-à-dire près de la décharge, s’élève une roche énorme et isolée qui domine le lac. Frappés de sa grosseur prodigieuse, les sauvages invoquent le manitou de cette roche ; lorsqu’ils traversent le lac, ils sont saisis d’une religieuse frayeur et détournent les regards pour ne pas exciter les tempêtes. Voici ce qu’en dit le père Albanel dans la relation de son voyage à la mer de Hudson, fait en 1672 : « Le 18, nous entrâmes dans le grand lac des Mistassirinins, qu’on tient être si grand qu’il faut vingt jours de beau temps pour en faire le tour ; ce lac tire son nom des roches dont il est rempli, qui sont d’une prodigieuse grosseur ; il y a quantité de très belles îles, du gibier et du poisson de toute espèce ; les orignaux, les ours, les caribous, le porc-épic et les castors y sont en abondance. Nous avions déjà fait six lieues au travers des îles qui l’entrecoupent quand j’aperçus comme une éminence de terre, d’aussi loin que la vue se peut étendre : je demandai à nos gens si c’était vers cet endroit qu’il nous fallait aller. « Tais-toi, me dit notre guide, ne le regarde point, si tu