Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/314

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de cette rivière serpentant parmi les mamelons de terre alluviale qui se dressent de tous côtés, à des hauteurs diverses. La Belle-Rivière ne savait pas où aller. Prise à l’improviste au milieu des monceaux de terre balayés et jetés au hasard par les torrents, elle se débattit au milieu d’eux, creusa un jour un lit, le changea le lendemain, revint sur elle-même, aperçut une issue, s’y enfonça, puis fut arrêtée net par quelque amoncellement de rochers,… alors elle essaya de passer dessus ; impossible. Elle dut encore rebrousser chemin, recommencer, faire de nouveaux détours et, enfin, elle finit par se caser tant bien que mal, comme un serpent exténué qui n’a pas la force de redresser ses membres après une course furieuse.

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Mais plus d’un lecteur a dû se demander plusieurs fois déjà, en apprenant que la rivière Saguenay n’a pas toujours existé : « Par où donc se déchargeait autrefois le lac Saint-Jean ? » car il fallait bien une issue vers le fleuve Saint-Laurent à cette grande nappe d’eau de 90 lieues de tour qui s’étendait à l’intérieur du pays ; sans cela elle n’eût fait que grandir tous les jours et aurait fini par noyer complètement tout le nord de l’Amérique. Ah ! voilà la grande question. C’est ici qu’il faut élargir son cadre, car nous avons à fouiller à travers plusieurs mille ans d’histoire géologique, de transformations, de dépôts tantôt amenés, tantôt écartés, tantôt transportés