Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/322

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portées par elle. Tout en faisant son lit, elle a rencontré une ouverture sous la surface du rocher ; elle s’y est jetée et a mangé sans cesse la pierre dont on peut lire les couches successives, et cette fois parfaitement horizontales, parce que, cette fois, rien n’en a troublé la formation.

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Un mille plus haut, en suivant la rivière, on arrive à la fameuse chute Ouiatchouane, qui a 236 pieds de hauteur, et que l’on voit toujours, comme si on l’avait exactement en face de soi, à quelque endroit qu’on se trouve au nord du Lac. Avant le cataclysme, il n’y avait pas de chute Ouiatchouane ; le Lac couvrait tout le plateau d’où elle descend et s’étendait même au delà ; la rivière, bien moins longue qu’aujourd’hui, coulait dans une gorge et venait se perdre tranquillement dans le sein du grand récepteur. Tout à coup les eaux du Lac se retirent violemment et d’effroyables profondeurs apparaissent à la lumière d’un jour d’épouvante ; la rivière, ne trouvant plus le lac pour la recevoir et terminer sa course, continue d’aller devant elle à la poursuite de cette mer qui lui échappe et où il faut cependant qu’elle finisse par se jeter. Son cours, de modeste et de tranquille qu’il était, devient rapide, il devient impétueux : inquiète, effrayée de tout ce qui l’entoure, la Ouiatchouane s’élance aveuglément pour trouver un refuge ; elle, si paisible, devient éperdue, échevelée ; elle bondit, jaillit, frappe les rochers stupéfaits,