Page:Buies - Le Saguenay et le bassin du Lac St-Jean, 1896.djvu/339

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croirait lire un compte-rendu ou un fait divers dilué dans un de nos journaux d’aujourd’hui ! Peut-on dire plus ? Celui-là vous apprendra que le pilote de son canot, un indien qui s’appelle Karibabnifigounfaurich, a donné à tel endroit un fier coup d’aviron ; le troisième, qu’il a découvert sur sa route des sapins, des épinettes et des bouleaux ; ou bien il se contente de vous raconter que le vent étant ouest, ou nord-ouest, ou quart de nord-ouest, il s’est promené autour de sa tente et a remarqué un amoncellement de cailloux étranges, à la décharge d’un lac dans une rivière quelconque… Et voilà. Voilà tout ce que l’on possédait pour se faire une idée d’un fragment immense de notre propre pays, fragment que nous avions sous les yeux, déployé derrière l’ondulation montagneuse qui coupe l’horizon, et ne s’arrêtant que sur les rives de la petite mer intérieure qui allait bientôt attirer tant de regards et illustrer tant de pages, écrites dans le style enflammé des propagateurs de colonisation.


IV


Aucune barrière naturelle ne nous séparait de ce fragment de territoire, assez vaste en lui-même pour faire un État moyen d’Europe, si ce n’est la modeste et facile chaîne des Laurentides, chaîne incapable d’opposer la moindre résistance aux plus discrètes tentatives de pénétration, et dont les brèches et les passes, largement