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Le chemin de fer

assaillie à la fois et l’on met le couteau sur la gorge à chacun des ministres. Les directeurs de la Compagnie du Lac Saint-Jean procédaient, eux, comme entourés d’une sorte de mystère. On eût dit des conspirateurs. Ils ne donnaient signe de vie que de loin en loin, quand la ligne avait franchi une étape nouvelle, et ces étapes n’étaient jamais moins de vingt-cinq à trente milles. Ils connaissaient l’espèce humaine ; ils savaient qu’il faut souvent encore bien plus se dissimuler pour faire le bien que pour faire le mal. Les hommes ne pardonnent pas en effet qu’on leur fasse du bien dont ils ont commencé par médire, et, comme on l’a vu, la médisance et les fausses imputations avaient été distribuées à torrents par ce bon public que l’on dotait d’un chemin de fer malgré lui et presque à son insu.


On peut dire que la construction du chemin de fer de Québec au lac Saint-Jean a été une merveille de persévérance, de ténacité et de prévision. Les promoteurs de l’entreprise avaient vu clairement au fond des choses et devant eux, et pendant que tout le monde, ou à peu près, les accusait de vouloir uniquement atteindre, pour les exploiter, les riches forêts qui enveloppent chaque versant des Laurentides, eux, tranquillement, sourds aux commérages, avançaient toujours en tournant les montagnes, traversaient bientôt la chaîne entière, cette chaîne tumultueuse dont on peut contempler de la capitale l’énorme