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bibliothèque provinciale en 1883, et nous avons perdu ainsi le seul document contenant des notions techniques et positives sur ce que nous pourrions appeler l’un des phénomènes de la nature canadienne.

Cette énorme masse de rochers granitiques, superposés, interrompt brusquement la ligne des campagnes qui se suivent à peu près régulièrement sur la rive sud du fleuve. On dirait que tout l’effort des phénomènes éruptifs, ailleurs retenu et comprimé sur cette rive, s’est concentré sur ce point, et a fait explosion, de manière à rejeter de la poitrine du globe tout ce qui l’embarrassait et la resserrait. Quand on contemple, en passant sur le fleuve, cette rangée formidable de titans de pierre, qui semblent présenter un front de bataille inattaquable, on ne peut se défendre d’une sorte de terreur mystérieuse, de ce serrement d’âme inéluctable qu’on éprouve au pied des hautes montagnes qui nous dominent, nous écrasant de toute leur hauteur et ont l’air de vouloir nous attirer sous leur masse. On se sent comme incapable de jamais y pénétrer ou même de les aborder. Où peut-il y avoir un rivage accessible au bas de ces monts farouches, de ces caps dressés à pic, sombres et menaçants, enveloppés d’une ombre impénétrable ? Y a-t-il là un endroit que l’homme puisse librement fouler du pied, sur cette grève qui