Page:Buies - Petites chroniques pour 1877, 1878.djvu/131

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Fraser préparait alors ! On allait quérir mouton, veau et bœuf à deux ou trois milles, et la volaille, et le gibier, et les entassements de tartes et les jarres bondées de confitures ! et quels arrosements, per Baccho dio, sur tout cela ! Quels torrents d’ale, de porter, de gin et de vieux Hennessey répandus sur cette masse de victuailles pour les obliger à se frayer un passage dans l’estomac indocile et irrité !

Ah ! je vous parle d’un temps, d’un temps qui ne reviendra plus, hélas ! Par la mort Dieu ! nous avons été jeunes, nous aussi, et nous avons héroïquement pintoché, nous avons englouti le veau et le mouton national aussi bien que les meilleurs de nos ancêtres, et quand nous irons les rejoindre dans le Styx, au moins on pourra dire de nous : « Ceux-là ont vécu. » Ils ont vécu vite peut-être, peut-être même trop, pensera quelque incurable dyspeptique au récit de nos exploits ; mais c’est là le secret de la vie : Vivretrès-vite pour ne pas perdre de temps, et vivre beaucoup, afin de n’avoir rien à se reprocher.

« Multa implevit in paucis diebus. »