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une chose entendue alors qu’on allait invariablement passer ses vacances à Kamouraska ; les autres endroits ne comptaient pas, et quand les familles de la ville arrivaient, elles trouvaient, pour les recevoir, une élégante et joyeuse société qui avait préparé d’avance des pique-niques, des danses et des parties de plaisir variées pour toute la saison.

Ah ! quel bon temps c’était que celui-là, et combien une place d’eau d’alors ressemblait peu à celles qu’on voit aujourd’hui encombrées de gens de toute espèce, venus de partout, sans cohésion, sans affinité, sans aucun point de contact ou de sympathie possible entre eux, gens qui ont bouleversé la physionomie des lieux favoris de la villégiature, en ont changé les mœurs, ont relégué dans un intérieur inaccessible les bonnes familles qui les habitent, détruit tous les charmes de la campagne et remplacé les bonnes, les réjouissantes et solides fêtes de jadis par des pique-niques grotesques, des danses maniérées, du vacarme, de l’esbroufe et du clinquant ! Nos places d’eau modernes sont de vrais capharnaüms, des bouzi-bouzins où l’on va s’étaler, se grimer, se contorsionner pour acquérir des airs, où l’on va faire le plus de train possible et vider le plus de flacons, bêtement, sans entrain, sans joyeuseté, sans camaraderie, tandis qu’avant l’invasion des endroits à la vogue, nos places balnéaires étaient de véritables rendez-vous assignés tacitement, par l’usage entre un certain nombre d’amis qui avaient l’habitude de se trouver toujours ensemble pour passer l’été.