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notre temps pour des objets qui ne paraissent pas indispensables. Aussi les lettres ne peuvent-elles aspirer à devenir une carrière que dans les pays de civilisation très-avancée, où des fortunes nombreuses sont depuis longtemps acquises, où une très-grande partie du public a des loisirs, où les ressources du sol et de l’industrie, exploitées jusqu’à leur dernière limite, donnent de l’aisance à des centaines de milliers d’hommes et les obligent à avoir une certaine culture pour être au niveau de ce qui les entoure ; où, enfin, l’éducation générale, répandue sur une foule d’objets, dans les sciences et dans les arts, crée un besoin, non seulement d’activité, mais encore de jouissance intellectuelle, qui offre aux lettres une carrière pour ainsi dire toute tracée et comme nécessaire.

C’est ainsi que se forme un public liseur et que les livres trouvent à se débiter comme toute autre chose qui a un prix et que l’on recherche. Autour de l’écrivain se rassemble une multitude avide de connaître, la foule innombrable des esprits que passionnent les idées et le style, qui le stimule, crée autour de lui le milieu qui lui est nécessaire, l’enivre d’une noble émulation et le pousse aux conceptions les plus élevées. Au sein de ce monde qui attend impatiemment son œuvre, qui la discute dès qu’elle parait, qui l’apprécie de