Si des esprits supérieurs se sauvent presque de la renommée dont ils sont dignes et de la gloire qui pourrait les attendre dans le champ des lettres, il n’en est pas ainsi d’un nombre tout-à-fait surprenant de génies opiniâtres et audacieux qui produisent à outrance, faisant fi du sens commun, de l’idée et de la langue. Ces gens là sont chez nous chez eux. Rien ne les déconcerte ; ils ont en eux-mêmes une foi telle qu’ils s’écrivent leurs propres réclames, se défiant de la tiédeur des journalistes, étant convaincus d’ailleurs qu’on ne peut assez les admirer et que leur supériorité est trop évidente pour qu’ils ne dédaignent pas une fausse modestie. Ceux-là aussi, je pourrais les nommer, mais c’est trop difficile et je suis certain qu’ils me croiraient jaloux d’eux. J’aime mieux m’en faire pour ne pas leur donner sujet d’écrire de nouveau sous prétexte de me répondre, n’attendant au reste rien du public pour le service que je lui rends.
Quoique la littérature ne soit pas une carrière dans notre pays, et peut-être même à cause de cela, nous sommes inondés d’écrits de toute provenance, les uns baroques et grotesques, les autres fades, incolores, prétentieux dans leur monotonie et superbes d’insignifiance. Oh ! ce qu’il ne faut tolérer à aucun prix, c’est la prétention. Elle gâte ou détruit toutes les bonnes intentions que