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LES JEUNES BARBARES

Étant arrivés à l’âge où nous sommes et à un tel degré d’expansion, ayant acquis une viabilité victorieuse de tous les accidents et de toutes les forces hostiles, il ne peut plus être question désormais de l’effacement ou de la disparition de la nationalité canadienne-française. Mais il ne suffit pas pour elle de continuer à vivre, de se maintenir avec son caractère et ses qualités propres, il faut, bien plus, qu’elle se maintienne à la hauteur des autres nationalités et qu’elle ne se contente plus d’une place à l’ombre, quand toutes les autres prennent la leur au soleil.

Nous ne sommes plus à cette période de la vie où le mirage des souvenirs héroïques suffisait à nos regards et à notre esprit, que ne poursuivaient pas encore des visions d’avenir et d’horizons agrandis. Nous sommes entrés, à la veille de l’âge mûr, dans une humanité nouvelle, et si rapidement changeante et si étonnamment pressée d’arriver aux destins qu’elle entrevoit par le développement des sciences, que nous ne pouvons plus nous attarder dans les antiques conditions, dans les méthodes surannées et dans une croissance purement végétative. Tout autour de nous sollicite les hommes au progrès indéfini, à la conquête parfaite et entière d’une planète, qu’ils commencent à connaître que d’hier à peine et qui, dès aujourd’hui, livre à profusion ses trésors ignorés, entr’ouvre, larges et libres, les voies mystérieuses et secrètes qui mènent à la réalisation de tant de vagues, mais persistantes aspirations.

Eh bien ! Sachons entrer dans ces voies, et nous qui avons eu un passé d’héroïsme, sachons nous conquérir un avenir de liberté.