Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, première conférence, 1886.djvu/16

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raison, ce prétendu chemin étant absolument impraticable, faute d’habitations sur son parcours et par suite d’hommes pour le tenir en état ; et quand on parla pour la première fois de construire un chemin de fer à travers un pays comme celui-là, un pays où les caribous, ses hôtes mêmes, ses familiers, avaient de la misère à courir, où les orignaux, les trois-quarts du temps empêtrés dans la neige, ne pouvaient pas faire cent pas sans prendre haleine, où les pêcheurs à la truite, pourtant les plus hardis des hommes, n’osaient pas s’aventurer à une distance moins que respectueuse du dernier village connu, jugez un peu de la stupéfaction et de l’incrédulité qui accueillirent l’énonciation de ce projet ! et comme ces excellents semblables, je parle surtout de nous, Canadiens, sont toujours prêts à supposer à leurs semblables toute espèce de motifs, excepté les bons, à tout ce qu’ils essaient d’entreprendre, on supposa qu’il n’y avait là qu’une spéculation de capitalistes qui voulaient exploiter aux dépens du public les bois s’étendant au-delà des paroisses habitées, et toute espèce de concours fut immédiatement refusé aux initiateurs de la ligne. Et ce n’était pas tout. Mais que d’obstacles n’a-t-on pas suscités ? Que de défiances n’a-t-on pas répandues, que de notions absurdes, je l’avouerai cependant, quelquefois inconscientes, n’a-t-on pas fait circuler ! que d’accusations pour flétrir et le projet et ses auteurs ! que de démarches pour le faire avorter ! Quoi ! l’histoire de la naissance et du développement de la voie ferrée de Québec au Lac St-Jean serait une odyssée, je dirais presque douloureuse, s’il m’était permis d’employer une pareille épithète dans une