Page:Buisson, Rapport fait au nom de la Commission de l’enseignement chargée d’examiner le projet de loi relatif à la suppression de l’enseignement congréganiste - N°1509 - Annexe suite au 11 février 1904 - 1904.pdf/23

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l’éducation de la jeunesse, telle que peut l’entendre une société républicaine.

Convenons tout de suite que ni cette réponse, ni même la question n’étaient possibles avant l’établissement intégral du régime républicain dans ce pays. Quand Jules Ferry proposait l’article 7 en 1879, on lui répondait : « La République est encore trop jeune. » Et bien qu’il répliquât : « C’est dans leur jeunesse que les gouvernements font de grandes choses », nous sentons bien aujourd’hui que tout point d’appui lui manquait. Une loi particulière contre l’enseignement congréganiste, qu’il proposait aux Chambres, leur faisait l’effet d’une mesure isolée, d’un acte exceptionnel, sorte d’ouvrage avancé qui ne se reliait pas à tout un système de défense. Une telle loi n’eût été alors qu’une feuille volante, au lieu d’être une page du code.

Et, de fait, tant qu’il n’y eut en France d’autre texte pour régler l’exercice du droit d’association que l’article 291 du Code pénal, tant que dans le silence de la loi toutes les congrégations, même les plus rebelles, prétendaient s’assimiler aux associations véritables, l’incertitude subsistait, le doute était permis, la liberté reconnue aux unes pouvait sembler due aux autres.

La loi de 1901 a mis fin à cette confusion si longtemps et si soigneusement entretenue. Elle a distingué entre association et congrégation.

Aux associations, elle a définitivement attribué la plénitude de la liberté.

Sur les congrégations, au contraire, elle ne statue pas : elle les renvoie devant les pouvoirs publics, à qui il appartiendra de décider souverainement si, quand et comment elles pourront être autorisées.

Ce n’est donc que d’hier que la question qui nous occupe a pu se poser et se résoudre. Le législateur de 1901 a, le premier, dissipé l’habile équivoque qui avait valu aux congrégations tout un siècle de survie. Il n’a pas cru pouvoir faire abstraction de tout ce siècle de tolérances et de connivences plus ou moins justifiées ; il n’a pas imaginé de reprendre d’un seul coup la loi de 1792, portant abolition pure et simple des congrégations. Il a procédé autrement. Il a remis en pleine lumière ce principe capital : que nulle congrégation n’a un droit naturel et indiscutable à l’existence, que chacune d’elles ne peut exister qu’autant que l’État le lui permet par une loi expresse. Et, le principe posé, il s’en est remis avec confiance au Parlement, en lui laissant le soin de faire de ce pouvoir souverain l’usage qu’il