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Page:Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, tome 18, 1918.djvu/266

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Ce texte semble décisif : les rois de Katāha (Kadāram) et de Çrīvijaya ne sont autres que les rois du San-fo-ts’i, c’est-à-dire du royaume de Palembang. Tout au plus pourrait-on s’étonner de ne trouver trace dans les annales chinoises, ni du nom de Sangrāmavijayottuṅgavarman, ni de la conquête de Rājendracola : la réponse à cette objection est facile. D’abord, rien n’empêche de supposer que Sangrāmavijayottuṅgavarman ne soit identique à ce roi du San-fo-ts’i que les Annales des Song [1] mentionnent en 1017 sous le nom de Hia-tch’e-sou-wou-tch’a-p’ou-mi qui n’est pas un nom personnel, mais bien un titre, dans lequel M. G. Ferrand vient de retrouver l’expression Haji Sumutrabhūmi, « roi de la terre de Sumatra » [2]. Mais cette conjecture n’est même pas nécessaire. En effet, la conquête de Kadāram qui apparaît pour la première fois dans une inscription de la treizième année de Rājendracola I (1024 A. D.) n’est pas encore citée dans les inscriptions de la douzième année (1023) qui énumèrent toutes ses autres victoires [3]. Elle doit donc dater de 1023-1024. Or, les Annales des Song ne mentionnant aucune ambassade du San-fo-ts’i entre 1017 et 1028, il n’est pas surprenant qu’elles ne livrent pas le nom d’un roi qui régnait, vers 1024, d’une royauté qui fut peut-être éphémère. Quant à leur silence sur la prétendue conquête du pays par les Colas, il ne doit pas étonner davantage : car en admettant que le roi Sangrāmavijayottuṅgavarman ait été réellement fait prisonnier par Rājendracoja I, celui-ci, une fois retourné dans ses états, se trouvait évidemment trop loin pour que sa victoire eût d’autres conséquences politiques qu’une vague reconnaissance de sa suzeraineté. On a vu plus haut qu’un de ses successeurs, Vïrarājendra I, qui se vante lui aussi en 1068 d’avoir conquis Kadāram, s’empressa de le rendre à son roi : c’est ce qu’il avait de mieux à aire, car il eūt été bien en peine de tirer parti de sa victoire et d’administrer un pays situé si loin « au-delà de la mer mouvante ». D’ailleurs quelques années plus tard, c’est le San-fo-ts’i qui, à son tour, prétend exercer sa suzeraineté sur les Colas : c’est du moins ce que ses envoyés ont été raconter à la cour de Chine. On lit en effet dans Ma-touan-lin, à propos d’une ambassade du Pou-kan (Pagan) en 1106 : «L’empereur donna tout d’abord l’ordre de les recevoir et de les traiter comme on avait fait pour les envoyés du Tchou-lien (Cola) ; mais le président du Conseil des Rites présenta les observations que voici : le Tchou-lien est vassal de San-fo-ts’i ; c’est pourquoi dans les années hi-ning (1068-1077), on s’est contenté d’écrire au roi de ce pays sur papier fort avec une enveloppe d’étoffe unie. Le roi de Pou-kan au contraire est souverain d’un grand royaume des Fan... » [4].

  1. GROENEVELDT, loc. cit., p. 65.
  2. La plus ancienne mention du nom de l’île de Sumatra, JA., 1917 (I), p. 331.
  3. HULTZSCH, SII., I, pp. 98, 100.
  4. D’HERVEY DE SAINT-DENYS, Méridionaux, p. 586.