Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 1, n°2.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 28 –

l’entendait Aristote. Pour cette raison que la littérature n’opérait pas la distinction des genres, appelait un commentaire qu’Oresme ne manque pas de nous donner, en mettant à profit son expérience personnelle :

« Il entent ici par comedies aucuns jeux comme sont ceulx ou [ung] homme represente Saint Pol, l’autre Judas, l’autre ung hermite, et dit chascun son personnage, et ont aucuns rooles et rimes et aucunes foiz en telx jeux l’en dit de laides paroles et ordes ou injurieuses et deshonnestes. »

Sans que notre traducteur fasse ici allusion à un texte précis, il est clair qu’il a en vue des représentations de Mystères. Si Saint Paul n’apparaît pas dans le Mystère de la Passion, il a pu figurer dans d’autres poèmes dramatiques. Dans le Mystère des Actes des Apôtres, joué à Bourges en 1536, son rôle, le plus important de la pièce, comportait plus de cinq mille vers. Judas, personnage obligatoire du Mystère de la Passion, sombre figure du traître dont les excès de langage doivent faire contraste avec la sérénité du Christ, se prêtait particulièrement aux allusions grossières ou grivoises. La scène ou Judas tue son père Ruben et épouse sa mère Ciborée, offrait aux amateurs de situations scandaleuses une assez jolie matière. Quant à l’ermite, on ne saurait l’identifier avec certitude. Ce sont, du moins, ces personnages de Mystères qu’évoque à l’esprit d’Oresme le mot comédie, tant il est vrai qu’à son époque le théâtre religieux et le théâtre profane demeurent indissolublement unis.

Ces représentations de Mystères, dont l’existence ne saurait être contestée, eurent lieu peut-être en Normandie, mais plus sûrement à Paris, où Oresme appartint comme étudiant, puis comme maître, à l’Université, à partir de 1348. Chanoine de Rouen en 1362, puis de Paris en 1363, c’est dans cette ville qu’il résida de préférence jusqu’en 1377, date de son élévation au siège épiscopal de Lisieux. Il avait sans doute assisté lui-même à des spectacles de ce genre, auxquels les clercs ne dédaignaient point de participer, et s’il constate dès cette époque un avilissement des Mystères, c’est que déjà le théâtre religieux, installé sur la place publique, cédait à la tentation de flatter le goût des auditeurs.

Puisque cette première glose d’Oresme nous laisse deviner l’existence de Mystères représentés, vraisemblablement à Paris, avant 1370, il est permis d’imaginer qu’il y eut, dès ce moment, des confréries dramatiques, dont le rôle était à la fois d’exciter le zèle des poètes et d’organiser les spectacles. De ce fait, une autre glose, tirée cette fois des Politiques, nous apporte la confirmation. Elle se lit au livre VI, chap. XIII, où Aristote « détermine des princeys qui sont ordenez pour le cultive-